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11 mars 2009

Sur la Guadeloupe 2: le point de vue du CCI (T)

Article issu du n° 16 de Combattre (CCI(T))

Guadeloupe, Martinique…METROPOLE :

qui a dit que la Grève Générale n’était pas possible ?

Grève générale à la Guadeloupe et à la Martinique

Depuis le 20 janvier 2009, la Guadeloupe est paralysée par une puissante grève générale lancée par le collectif ouvrier Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP) ou L’alliance contre l’exploitation outrancière. L'appel des élus locaux – et en particulier ceux du Parti socialiste – lancé le 15 février à « assouplir la grève générale en laissant ouvrir les commerces » a été rejeté massivement par une très large majorité de la population. Les grévistes ont au contraire amplifié leur lutte et ont commencé à ériger de très nombreux barrages routiers.

Toute l’activité économique ainsi que les différents secteurs de l’île sont fortement touchés : secteur du BTP, secteur des transports, secteur industriel composé de petites entreprises (chaudronnerie, mécanique, automobile, …), secteur agro-alimentaire, secteur touristique, secteur pétrolier (SARA filiale de TOTAL), secteur des grandes surfaces commerciales, port, aéroport, éducation nationale, fonction publique, etc… De nombreuses manifestations réunissant l’ensemble des travailleurs de la Guadeloupe et même au-delà, des artisans, des petits patrons, des paysans, des pêcheurs, des étudiants, des chômeurs…témoignent d’une situation pré-révolutionnaire sur cette île des caraïbes.

Le 25 janvier 2009, près de 25 000 personnes ont manifesté à Pointe à Pitre. Le 30 janvier 2009, la manifestation a franchi un nouveau cran en réunissant près de 65 000 personnes (sur 450 000 habitants) dans les rues du chef-lieu. Entre temps, la grève générale s’est étendue à l’île voisine de la Martinique 1 et « menace » désormais la Guyane et l’île de La Réunion2 dans l’Océan Indien. Le 14 février 2009, près du quart de la population de la Guadeloupe, environ 100 000 personnes, a manifesté au Moule. Ce jour là, le leader du LKP, Elie Domota précisait :

« Nous avons rassemblé jusqu’à 100 000 personnes dans la rue, c’est 23 % de la population de la Guadeloupe ! Imaginez une mobilisation de 15 millions de personnes en Métropole ! ».

Chaque jour, depuis le 20 janvier, d’importants meetings syndicaux et politiques organisés par le LKP, réunissant des milliers de travailleurs, ont lieu à Pointe à Pitre devant le palais de la Mutualité, siège du LKP. Au-delà des faits et de l’analyse politique, cette grève générale est le meilleur démenti à tous ceux (et ils sont nombreux) qui, au sein des directions syndicales ou politiques du mouvement ouvrier français, nous répètent à longueur d’année qu’il leur est impossible de déclencher une grève générale3 ou de militer en ce sens sous les prétextes les plus variés : « les travailleurs ne suivraient pas », « la grève générale ne se décrète pas », « on n’appuie pas sur un bouton grève générale », « faisons d’abord converger les luttes, secteur par secteur…après on verra », « avant de lancer le mot d’ordre de grève générale, il faut amplifier les mouvements sociaux », « nous sommes des démocrates et ce mot d’ordre est insurrectionnel ».

Soit dit en passant, ces directions réformistes ne se gênent pas pour décréter ou suivre docilement de nombreuses journées d’actions carrées, coûteuses et inutiles pour les travailleurs (plus d’une vingtaine depuis 2003 !). Par ces combats non centralisés contre le gouvernement, les directions réformistes syndicales émiettent à l’infini les manifestations, grèves et luttes sociales, secteur par secteur, catégorie par catégorie, entreprise par entreprise, territoire par territoire…avec les résultats désastreux que nous connaissons tous.

Ainsi, actuellement, la direction du SNEsup-FSU (principal syndicat de l’enseignement supérieur) et les autres syndicats de ce secteur invitent les enseignants-chercheurs, pour la défense légitime de leur statut, à combattre de façon isolée jusqu’à épuisement. Et pour tous ceux, comme les dirigeants du PS4 ou du PCF, qui, un mois après le déclenchement de la grève générale à la Guadeloupe, s’épanchent sur les ondes pour expliquer que la situation des DOM n’est pas transposable à la métropole sous le prétexte que c’est une situation propre aux «antillais », qui poseraient la question de leur « liberté », la plate-forme du LKP qui sert de base à la mobilisation et aux négociations directes avec le gouvernement apporte un sérieux démenti. Pour preuve les différents points suivants qui pourraient être repris dans le cadre d’un programme de type ouvrier en métropole :

  • Relèvement immédiat et conséquent d’au moins 200 euros, des bas salaires, des retraites et des minima sociaux afin de relancer le pouvoir d’achat, de soutenir la consommation des produits guadeloupéens et plus généralement la demande.

  • Relèvement immédiat du Smic, des salaires du secteur privé, des traitements de la fonction publique, du minimum vieillesse, des minima sociaux.

  • Salaire minimum guadeloupéen calculé sur le coût réel de la vie en Guadeloupe.

  • Création d’un bureau d’études ouvrières, chargé de calculer l’évolution des prix des produits réellement consommés par les travailleurs.

  • Réductions d’impôts fondées sur la justice fiscale.

  • Baisse significative de toutes les taxes et marges sur les produits de première nécessité et sur les transports.

  • Baisse des taux de la taxe sur les carburants.

  • Suppression de la taxation des produits locaux.

  • Transparence sur la fixation des prix de l’eau, des transports, des carburants, des loyers, du gaz, de l’électricité, des nouvelles technologies de l’information et de communication

  • Contamination des terres par la chlordécone : mesures sanitaires et indemnisations des victimes.

    (La plate-forme complète est disponible sur http://ugtg.org/article_700.html)

Une crise sociale et économique qui touche l’ensemble de la population

Les travailleurs guadeloupéens font face depuis plusieurs décennies à un véritable appauvrissement général, conséquence directe d’une exploitation capitaliste liée pour partie aux structures sociales établies dans le cadre des rapports coloniaux avec la métropole.

Ces dernières continuent à perdurer 60 ans après la départementalisation : très faible développement industriel de l’île au profit quasi exclusif de la filière touristique – et même depuis les années 80, forte désindustrialisation liée à la fermeture des usines de canne à sucre – montée en puissance des entreprises de distribution (les grandes surfaces) qui déversent des tonnes de marchandises importées (80 à 90 % des produits consommés sont importés de la métropole) au détriment des producteurs locaux, main mise d’une infime minorité de descendants d’esclavagistes sur l’économie de l’île : les békés.

Les plus jeunes dénoncent, à raison, les discriminations dont ils sont victimes sur un marché du travail saturé qui réserve les postes d’encadrement et les responsabilités aux métropolitains, dans le secteur privé comme dans les administrations publiques. Ainsi, le taux de chômage officiel, très largement sous estimé selon l’UGTG 5, s’établit à 27 % de la population active (avec des pointes à 60 % dans la jeunesse). L’île compte près de 60 000 allocataires du RMI, 20 % de la population vivent au-dessous du seuil de pauvreté…et des centaines de milliers de guadeloupéens s’expatrient en métropole pour trouver du travail.

En un mot, toute la population de l’île est concernée directement par la misère sociale. En outre, la violence de la crise du capitalisme que nous connaissons actuellement a fortement déstabilisé les maigres revenus des travailleurs antillais. L’inflation, renforcée par une politique des marges pratiquée par les grands groupes capitalistes des secteurs de la distribution adossés aux familles Békés, a rongé considérablement les revenus des travailleurs de l’île. A la faiblesse des salaires (largement inférieurs à ceux de la métropole à l’exception de ceux des fonctionnaires) s’ajoute la crise du logement, l’augmentation sans précédent des loyers, les prix prohibitifs des carburants pratiqués par la filiale de TOTAL, l’explosion du prix de la bonbonne de gaz, etc…

Le LKP, un cadre de front unique ouvrier face à la crise

Face à cette réalité sociale dramatique, la poussée des masses a obligé les dirigeants syndicaux et politiques du mouvement ouvrier guadeloupéen à s’unir. C’est en novembre 2008, que le principal syndicat ouvrier de la Guadeloupe, l’UGTG (l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe) a lancé un appel de type front unique à l’ensemble des syndicats ouvriers et paysans de l’île (CGTG, CTU, FO, UNSA, FSU, CFDT…), aux partis politiques ouvriers et progressistes (PCG, CO, Cercasol etc..) – à l’exception notable du PS qui dirige le conseil général et régional – ainsi qu’aux diverses associations de défense des travailleurs, de l’environnement, de consommateurs, de chômeurs, culturelles, etc...

Par delà sa composante ouvrière fortement liée à la lutte des classes (l’UGTG), cet appel a très rapidement englobé tous les syndicats insulaires (99,15 % des suffrages exprimés aux élections prud’homales), en particulier les dirigeants des syndicats ouvriers réformistes prompts précédemment aux négociations et au dialogue social sur le terrain exclusif du gouvernement et du patronat. L’appel, sous la poussée des masses, s’est rapidement transformé en Collectif ouvrier de lutte contre la vie chère qui n’est ni plus ni moins qu’un comité central de grève. C’est donc un cadre de Front Unique Ouvrier qui est apparu à la Guadeloupe dès novembre 2008. Le collectif a rapidement rédigé une plate-forme, véritable plan d’urgence avec certaines insuffisances néanmoins et même des points de co-gestion, étrangers aux revendications ouvrières. Cette plate-forme reprend 152 points environs sous dix grandes thématiques :

  • Niveau et conditions de vie (salaires, augmentation de 200 euros, logements, environnement, transports)

  • Education

  • Formation professionnelle

  • Emploi (dont une partie pour l’interdiction des licenciements)

  • Droits syndicaux et libertés syndicales

  • Services publics (transparence sur la fixation des prix, eau, santé)

  • Production (volet agricole et volet pêche)

  • Aménagement du territoire et infrastructures

  • Culture

  • Arete Pwofitasyon

Il est à noter que la question coloniale, ou indépendantiste, qui est régulièrement agitée par les tenants de l’ordre établi (dont Sarkozy lui-même) ou par les forces autonomistes, ou indépendantistes minoritaires en Guadeloupe est reléguée à l’arrière plan par cette plate-forme ouvrière.

Début janvier 2009, le LKP, pour faire appliquer sa plate-forme et prenant ses responsabilités de direction ouvrière conséquente, a lancé pour le 19-20 janvier un appel à la Grève Générale illimitée, avec le succès que l’on sait.

Les différents évènements…et les manœuvres en recul de Sarkozy

Le gouvernement Sarkozy-Fillon a mis du temps à prendre en compte la gravité de la situation en Guadeloupe.

Dans un premier temps, il a tenté de manœuvrer de façon traditionnelle dans le cadre d’une négociation retransmise à la télévision (RFO) regroupant le patronat local, le LKP, les élus locaux et le préfet. Le représentant de l’Etat et le patronat ont dès le départ sous-estimé la puissance de cette grève générale et la détermination du comité de grève qui s’est constitué. Rapidement, le préfet, dépassé par les évènements, a rendu son tablier en direct à la télévision devant des centaines de milliers de guadeloupéens médusés.

Il a transmis le dossier à Yves Jégo, secrétaire d’Etat à l’Outre mer. Ce dernier, sur instruction de Sarkozy et de Fillon, a décentralisé son ministère à Pointe à Pitre pour reprendre la négociation et tenter d’enrayer la grève. Or, non seulement la mobilisation n’a pas faibli mais elle a pris un caractère de déferlante. Le secrétaire d’état a tenté de tergiverser lors de la reprise des négociations, montrant au passage la crainte du gouvernement d’un embrasement aux travailleurs de métropole suite à la puissante journée d’action du 29 janvier. Mais peu à peu, le rapport de force aidant, il a cédé politiquement face à la détermination du Collectif LKP.

Toutes les revendications de la plate-forme du collectif ont fait dans un premier temps l’objet d’un pré-compromis que le secrétaire d’Etat a cosigné le 8 février. A partir de cet instant, le gouvernement, en la personne de François Fillon, a sifflé la fin de la partie. Il a, de ce fait, établi l’acte de décès de ce processus de négociation. rompant lui-même les négociations en rappelant son secrétaire d’état qui donnait d’inquiétants signes de faiblesse.

A Paris, Yves Jégo fut recadré par le chef du gouvernement avec un seul objectif : face à la puissance de la grève générale guadeloupéenne, ne rien céder sur le fond qui pourrait donner des idées aux travailleurs de métropole. A l’issue de cette réunion ministérielle de crise, qui s’est déroulée le 10 février à Paris, Fillon a expliqué et justifié cette rupture par un laconique et très jospinien :

« L’Etat ne saurait à l’évidence se substituer aux partenaires sociaux dans les responsabilités qui leur reviennent6 ».

Malgré ce nouveau virage dans la gestion de la grève générale guadeloupéenne, l’affolement a envahi l’ensemble de la classe politique de l’île qui, par l’intermédiaire du président (PS) du Conseil régional de Guadeloupe, reconnaît elle-même que les élus institutionnels sont face à une situation de type pré-révolutionnaire :

« C'est une crise politique, c'est une crise institutionnelle, et on est au bord de la sédition. » (Victorin Lurel, sur France Infos le 17 février 2009).

Le 19 janvier, nouveau changement de ligne : Nicolas Sarkozy en personne, a reçu l’ensemble des élus des DOM et a annoncé un plan d’urgence de 580 millions d’euros pour l’ensemble des DOM dont une prime de 200 euros. Il a aussi précisé qu’il se rendrait en Guadeloupe « dès le calme revenu » pour ouvrir une série d'Etats généraux, afin de débattre « des grands enjeux » dans chacune des collectivités ultra-marines, mais en proposant de le faire sur une durée de trois mois.

Ce faisant, il tente de revenir à la case départ, celle des négociations avec le LKP mais avec un sérieux temps de retard. Le gouvernement Sarkozy-Fillon semble courir dans tous les sens sans véritable stratégie.

En fait, pour la première fois, Sarkozy et son gouvernement sont contraints de manœuvrer en reculant fortement. Face à la détermination et à l’organisation des travailleurs de Guadeloupe – mais aussi de Martinique – en grève générale, ils viennent, le 26 février, de concéder d’importantes augmentations de salaires tout en essayant de limiter au maximum leur portée.

Le gouvernement tente d’isoler la grève générale

et joue le pourrissement…sans succès

La grève générale qui a commencé à la Guadeloupe et s’est prolongée à la Martinique est un scénario de cauchemar pour le gouvernement français : il craint comme la peste la possible extension d’un tel mouvement aux autres DOM mais surtout à la métropole où la situation sociale rappelle par bien des aspects celle de la Guadeloupe.

En effet, en dépit de la différence de situation entre la France et les DOM, les mêmes causes produisent les mêmes effets : la politique en défense de la bourgeoisie française de Nicolas Sarkozy dans le cadre de la violente crise du capitalisme suscite le même rejet massif tant à Paris qu’à Pointe à Pitre. Et rien n’y fait ! même pas le sommet social où les dirigeants syndicaux de métropole se sont précipités le 18 février 2009 pour tenter d’enrayer le mouvement des masses.

C’est pour cette raison que les travailleurs de métropole suivent de façon très attentive, et avec un fort courant de sympathie et de solidarité, la grève générale aux Antilles et en particulier en Guadeloupe. Ainsi, selon un sondage IFOP réalisé par le quotidien régional Sud Ouest (15/02/09), 63 % des français estiment qu’un mouvement social du même type que celui qui se développe outre-mer pourrait également voir le jour. Près de 25 % de la population de métropole estime inévitable une situation de grève générale. Il convient de préciser que dans le cadre de ce sondage, l’anticipation d’un scénario antillais est plus forte chez les jeunes actifs (72 %) et dans les familles ouvrières (72 %). De même, près de 78 % de la population de la métropole trouvent justifié le mouvement social qui dure depuis plus d'un mois en Guadeloupe, selon un sondage BVA pour L'Express et France-Inter présenté mardi 24 février.

Le gouvernement fort inquiet de la tournure des évènements en Guadeloupe a dépêché de très importants renforts de gardes mobiles (corps de gendarmerie spécialisé dans la répression et pouvant faire usage des famas à la différence des CRS) pour réprimer le cas échéant. Dans le même temps, le gouvernement parie sur un isolement de la grève générale, favorisé par l’attitude criminelle des dirigeants politiques et syndicaux du mouvement ouvrier français. Il parie aussi sur un pourrissement de la situation afin de pouvoir jouer au mieux sa carte de la répression.

D’ores et déjà, au bout d’un mois de grève générale, d’importantes émeutes impliquant des jeunes exaspérés ont eu lieu et se sont soldées par la mort, dans des conditions fort suspectes 7, d’un délégué syndical de la CGTG membre de la direction du LKP. Cette solution, pourrissement-répression faisant suite à la faillite de la séquence de négociation, fait partie de l’arsenal de la bourgeoisie française pour tenter d’éradiquer cette grève et de protéger in fine les intérêts des capitalistes. Cette fuite en avant a déjà été choisie à plusieurs reprises dans le passé par la classe dirigeante française pour réprimer d’importantes grèves ouvrières en particulier en Guadeloupe. Ce fut le cas en 1952 et surtout en 1967 où 87 travailleurs guadeloupéens furent tués par la répression de l’Etat français.

Cependant, 2009 n’est pas 1967 : en 2009 la situation est différente ne serait-ce que par la puissance de la grève générale et l’existence d’une direction ouvrière combative mais en outre, le choix de la répression, compte tenu de la gravité de la crise du capitalisme et de la réalité des rapports entre les classes tant en métropole que dans les DOM, pourrait s’avérer être une grave erreur politique pour le gouvernement. Elle entraînerait de fait une forte radicalisation de la classe ouvrière et de la jeunesse en métropole.

En clair, actuellement, le gouvernement n’a pas les moyens de réprimer le mouvement social en Guadeloupe, ce qui peut expliquer le retour d’un nouveau cycle de négociation promu par Sarkozy le 19 février et les premiers reculs du 26 février.

Les perspectives politiques en Guadeloupe…

Comme nous l’avons vu précédemment, suite aux annonces de Sarkozy du 19 février, le LKP a de nouveau entamé un cycle de négociation qui a abouti à un important accord salarial le 26 février entre lui-même, le gouvernement, les collectivités territoriales et une partie du patronat – à l’exception notable du MEDEF et de la CGPME qui ont refusé de parapher cet accord.

Cette signature marquera peut être la fin de la grève générale en Guadeloupe. En effet, même si le LKP n’a toujours pas levé son mot d’ordre de grève générale une suspension est à l’ordre du jour. C’est indéniablement une victoire économique pour la classe ouvrière et le prolétariat de cette île avec l’augmentation d’environ 200 euros de l’ensemble des bas salaires (ainsi que par la signature d’autres mesures contenues dans la plate-forme du LKP).

Ceci dit, nombre de travailleurs et de jeunes s’interrogent : certes les travailleurs de Guadeloupe ont gagné économiquement mais après plus d’un mois de grève générale ! Est-ce le prix à payer pour un résultat que les capitalistes vont s’empresser de rogner jour après jour par tous les moyens possibles ? Cette question reste tout entière. Alors certes, comme nous l’avons vu, le LKP n’est pas le parti révolutionnaire même s’il est allé très loin dans sa lutte8 en tant que direction ouvrière pour la défense des revendications contre l’Etat et le patronat.

En fait, au sein du LKP, un parti ouvrier révolutionnaire s’appuyant sur la force constituée par ce collectif aurait avancé des mots d’ordre de nature révolutionnaire comme l’occupation des usines, des centres commerciaux, des stations services, du port, de l’aéroport, des différentes entreprises de l’île, etc… comme la création de comités de grève locaux élus et révocables, seuls à même de commencer à gérer les besoins de la population – et même au-delà – comme l’expropriation sans indemnités de la filiale pétrolière de TOTAL, l’expropriation sans indemnités des békés au profit des masses guadeloupéennes, l’expropriation de la propriété foncière, le contrôle ouvrier directe des banques de l’île. Dans ce cadre là, l’ouverture des livres de compte des entreprises serait une nécessité tout comme l’affirmation du LKP à prendre le pouvoir contre les institutions politiques liées à la départementalisation de 1946.

et en METROPOLE

De même, un parti révolutionnaire en métropole aurait mis au premier plan la nécessité du combat pour le front unique comme il a été réalisé en Guadeloupe et pour organiser la grève générale se fixant l’objectif de chasser Sarkozy et le gouvernement des capitalistes.

En effet, dans les DOM, la vie politique, comme les mouvements revendicatifs sont étroitement déterminés par les échéances, les mesures gouvernementales et les mobilisations dans la métropole. Dès lors, il est de la responsabilité des dirigeants des organisations du mouvement ouvrier français (syndicat et partis) de ne pas laisser les mouvements de grève générale guadeloupéens et martiniquais isolés. Il est de leur responsabilité de cesser toutes négociations avec le gouvernement sur ses plans et d’appeler sans délai à la grève générale illimitée9 pour chasser Sarkozy et son gouvernement en ouvrant la perspective d’un comité central de grève à l’image du LKP, pour le gouvernement ouvrier. Bien entendu, les dirigeants réformistes du mouvement ouvrier font tout le contraire et tentent par la voie de la « solidarité » nécessaire avec les travailleurs en lutte des DOM d’esquiver cette question centrale.

Mais par la constitution et l’existence même du LKP, par leur grève générale, les travailleurs de Guadeloupe ont montré la voie à tous les travailleurs de France.

 

1 La grève générale dure depuis une vingtaine de jours à la Martinique sous la direction du « Collectif du 05 février » qui est aussi un cadre de front unique ouvrier rassemblant les principaux syndicats de l’île et l’ensemble des forces politiques ouvrières.

 

2 A la Réunion, une grève générale de 24h00 est prévue le 5 mars 2009. Elle sera organisée par le COSPAR (Collectif d’organisations syndicales, politique et associatives de la Réunion) qui est aussi un cadre de front unique regroupant l’ensemble des syndicats de l’île dont la CGTR et l’ensemble des forces politiques ouvrières dont le PCR.

 

3 « Un spectre hante la France. Au vrai, c'est plus qu'un spectre, c'est explicite, tout le monde en parle, les médias, les gens ordinaires, les partis politiques, tout le monde, sauf les dirigeants syndicaux nationaux : on n'a jamais autant parlé de grève générale qu'aujourd'hui. S’il en est question, c'est que l'on se dirige vers une crise du pouvoir et du régime. La grève générale pose la question du pouvoir. » (Vincent Présumey in Lettre de Liaison – Le Militant n°49, 17 février 2009)

 

4 Martine Aubry, principale dirigeante du PS dit sans ambages « craindre une propagation des événements qui agitent les Antilles » en métropole et qu’ «il faut tout faire pour que cela n’arrive pas ». (Le Parisien du 13/02/09). Quant aux dirigeants du NPA, du PG, de LO et du PCF, la manifestation parisienne (le 16/02/09) de solidarité à la grève générale à la Guadeloupe a été éclairante. Besancenot, Mélenchon et Autain n’ont cessé d’avancer le facteur colonial qui est étranger à la mobilisation des travailleurs des DOM. Et les mots d’ordre de ces partis ont tourné à l’unisson sur le fait que « Les Antillais nous montrent la voie pour les salaires et pour l’emploi! ». Une véritable couverture des appareils syndicaux de métropole !…Rien, bien entendu, sur la grève générale illimitée en métropole pour chasser Sarkozy !

 

5 Dont la combativité rappelle la CGT-U des années 20 et 30. Ce syndicat ouvrier est la principale confédération de l’île (52 % des voix aux élections prud’homale de 2008). C’est la force dirigeante du LKP. Il a été fondé en 1973 par des militants ouvriers ayant vécu les grèves et la répression de 1967 et estimant avoir été trahis par les dirigeants syndicaux. Il est à noter que l’UGTG n’est pas liée à la CGT comme la CGTG guadeloupéenne.

 

6 La revendication d’une augmentation de 200 euros net des salaires, retraites et minima sociaux constitue le motif essentiel de rupture du gouvernement. Cette demande qui faisait figure de première mesure de la plate-forme du LKP avait été acceptée dans un premier temps par Yves Jégo et le patronat guadeloupéen. Le coût économique de cette mesure était chiffré à 128 millions d’euros, soit un coup relativement faible. Par contre le coût politique était beaucoup trop élevé pour la bourgeoisie française…. Mais le 26 février, le gouvernement concédait cette augmentation, ce qui est un recul important.

 

7 Jacques Bino, militant de la CGTG, du LKP et d’Akiyo est décédé dans la nuit du mardi 17 février : selon le 1e communiqué du LKP édité après sa mort, il a été atteint non pas par une arme de gros calibre, mais par une arme de guerre. En outre, fonctionnaire des impôts, il travaillait depuis quelque temps sur un dossier mettant en cause des personnalités ayant des fortunes mal acquises ou non déclarées.

 

8 De fait, actuellement, quelques éléments de double pouvoir existe à la Guadeloupe comme la gestion des transports par le LKP, des marchés, de la sécurité publique, etc…

 

9 Pour tenter d’enrayer le mouvement des masses en métropole qui a explosé le 29 janvier 2009, les dirigeants syndicaux ont convoqué une nouvelle journée d’action, le 19 mars 2009 soit 2 mois après la précédente. Bien entendu, à l’instar de Martine Aubry, les Thibaut, Achieri, Mailly, Chèreque and Co craignent une situation à la Guadeloupéenne et mettent tout en œuvre, en défense du gouvernement Sarkozy-Fillon, pour que cela n’arrive pas.

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