Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Divergence
Derniers commentaires
14 janvier 2009

Histoire des sociétés I-1

Première partie: Survol de l'histoire du monde

Les chasseurs-cueilleurs (à partir de – 200 000)

Juste la descente du larynx, et l'Histoire commence. Cette légère modification anatomique, qui se produit avec l'apparition de l'homo sapiens, n'est pas la cause de la parole, mais l'étincelle, le catalyseur de réactions en chaîne, mettant en présence divers fruits de l'évolution des hominidés: l'accroissement de la boîte crânienne permettant une complexification de la structure cérébrale; l'habileté manuelle qui permet l'outil, cette matérialisation de la pensée; un langage de gestes et borborygmes vraisemblablement développé par des hominidés antérieurs. Et surtout, surtout: l'immaturité.

 

L'immaturité de l'adulte humain, c'est le fait qu'il conserve, bien plus que les primates proches, des traits et structures juvéniles. C'est la conséquence de la néoténie, ce ralentissement du développement qui se traduit par une très longue période de gestation et une exceptionnelle longueur de l'enfance. Il en résulte ceci: alors que chez les autres animaux, l'intervention de l'apprentissage dans la détermination du comportement a lieu dans une courte période avant la maturité, et dans des limites variant selon les espèces, l'être humain est lui capable d'apprendre et de modifier radicalement son comportement toute sa vie. « Rester durablement un être en devenir, cette propriété si essentielle à la condition humaine, est sans aucun doute un don que nous devons à la nature néoténique de l'être humain » (Konrad Lorenz, cité par S.J. Gould in « Le pouce du panda »).

 

Ainsi, de l'immaturité naquit le verbe. La parole articulée, c'est une transmission de signes aux combinatoires infinies, c'est le terreau de la culture, de la transmission du savoir, le sang qui irrigue les veines des sociétés humaines. Non que l'homme à ses débuts dispose d'un langage ou d'un mode de vie bien différents de ses prédécesseurs directs. Au contraire, il est probable que cet être fragile, sans crocs puissants ni griffes, piètre coureur, grimpeur médiocre, consacre d'abord un temps important à sa subsistance. Il est cueilleur, chasseur, charognard, pêcheur. Pendant les 19/20e de son existence, il le reste. 

 

Mais la lente accumulation de savoirs et de techniques, cette planche sur laquelle glisse l'histoire et que savonne le langage, lui permet au fil de 190 millénaires de mieux tirer profit de son environnement. Par un jeu de causes et effets réciproques, la culture libère l'homme de l'asservissement à la subsistance, lui donne le temps des libres échanges où peuvent s'épanouir le langage, les rites, les jeux, les croyances, l'art, les techniques, où l'on se raconte ses découvertes, ses aventures, ses émotions, ses astuces de chasseur, enrichissant une culture qui le libère plus encore des exigences de la survie. Selon certains ethnologues, les sociétés modernes de chasseurs-cueilleurs ne consacrent guère plus de 2 à 3 heures en moyenne à la recherche de la subsistance. Notre société qui s'est un peu vite vanté d'être de loisirs est sur ce point bien en retrait de tels ancêtres.

 

Cette capacité à tirer de plus en plus profit de l'environnement a plusieurs conséquences, décisives pour la suite de l'histoire: savoir exploiter de nouvelles ressources de son milieu permet aussi à l'homme de savoir exploiter de nouveaux milieux. Et les sociétés humaines, nées dans le Rift africain, s'étendent alors, au gré de lentes migrations, sur toute la surface de la Terre. Les sociétés elles-mêmes s'adaptent à ces nouveaux milieux, formant d'infinies variations. De cette richesse culturelle témoignent un peu les sociétés modernes de chasseurs-cueilleurs qui ne se ressemblent guère que par l'absence de l'agriculture et de ce qui s'ensuivit, comme, par exemple, les Inuits d'Alaska, les Jarawa des îles Andaman, les Penans de Bornéo ou les pygmées Aka du bassin du Congo.

 

Mais ce meilleur usage des ressources du milieu ouvre, dans les régions les plus favorables, à une suite de mutations lourde d'avenir. En effet, si certains peuples peuvent aller plus loin, d'autres peuvent rester plus près: l'espace vital se réduit, jusqu'au point où l'ancien semi-nomadisme, généralement saisonnier, des premières sociétés laisse la place à une lente sédentarisation. Chaque groupe exploitant moins d'espace, les distances entre eux diminuent. La densité de population augmente en certaines zones, et avec elles les contacts et les échanges. Parmi ces échanges, qui tiennent peut-être autant de l'observation et de l'emprunt que de la communication, il y a celui du savoir et des techniques. Les variations sociales qui, ailleurs, s'étendent au gré des migrations, ici se réduisent par contagion culturelle. Ou plutôt non: les relations entre voisins se fixant en rites,  coutumes et parentés, donnent naissance à des sociétés plus complexes. Cela varie donc aussi, mais à l'intérieur.

 

Cette complexité croissante va encore de pair avec une relative égalité sociale. Les activités prédatrices, chasse et cueillette, ne permettent ni accumulation de biens, ni propriété des moyens de production, ces deux géniteurs des inégalités sociales. Cependant, cette égalité n'est pas un état permanent, mais le produit de mécanismes de redistribution, que l'on étudiera dans la 2e partie.

à suivre: Les sociétés agricoles villageoises.

Publicité
Commentaires
Divergence
Publicité
Newsletter
Divergence
Publicité