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Divergence
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24 décembre 2008

Merry Crisis and a Happy New Fear!

Sommaire du blog

Le titre est repris d'un slogan, peint sur les murs d'Athènes. L'occasion aussi de revenir une nouvelle fois sur ce qui se passe là-bas.

Dernières nouvelles de Grèce:

L'occupation du siège du GSEE (voir les derniers articles sur la Grèce) s'est terminée dimanche, en bon ordre. Les occupants ont fait visiter les lieux par les services de sécurité du syndicat, et fait signer un papier notant le parfait état du bâtiment, ceci afin d'éviter toute mise en scène du genre "découverte d'armes" ou de drogues, ou affirmation de vandalisme.

L'occupation des universités continue, mais sans doute plus pour longtemps. Quoiqu'il en soit, l'État s'est préparé à intervenir, si cela s'avérait nécessaire. Une des particularités de la lutte des étudiants grecs de ces dernières semaines est en effet l'interdiction légale d'intervention policière dans les campus universitaire, héritage de la lutte des étudiants contre le régime des colonels dans les années 70. 

Pour tenter de contourner cette interdiction, des responsables de Polytechnique ont transmis leurs responsabilité de contrôles à un procureur général. D'autre part, des tirs de fusil provenant d'un autre campus ont atteint une camionnette de police. Provocation ou pas, ce genre d'incidents peut servir de prétexte à l'intervention, particulièrement en ces temps de fêtes, où tout le monde regarde ailleurs.

Mais comme dit dans l'article sur la crise et la répression, la peur de la répression est pour la bourgeoisie préférable à la répression même. Seul le maintien à un haut niveau de mobilisation durant les jours à venir pourrait provoquer une intervention, mais c'est très peu probable. Même si des occupations et des affrontements continuent dans diverses villes du pays, la fatigue et l'isolement, l'absence de perspectives politiques claires, va sans doute conduire à  l'essoufflement.

A lire sur internet:
Les dernières informations sur le site de l'EEK (dont les déclarations du dirigeant du parti stalinien KKE, affirmant qu'il n'y a pas de révolte, et que tout cela est l'œuvre des services secrets de l'impérialisme!)

une analyse du contexte social, économique et politique des événements, par Stathis Kouvelakis, reprise sur le site de Futur rouge.
Un autre site en anglais, qui semble collecter les infos de plusieurs sites déjà mentionnés ici: Social war in Greece

Et tous les articles de Divergence sur le sujet sont rassemblés sur le tag "Grèce"

***

Les loups entre eux

Ce qui donne à la crise actuelle un petit parfum de 1929, ce sont les suicides de financiers piégés par la crise. Le dernier en date, celui d'un responsable financier français travaillant à New York, Thierry de Villehuchet, pris dans l'affaire Madoff, cet immense montage qui a fait perdre 50 milliards de dollars à diverses banques et investisseurs, et au-delà sans doute à des milliers de petits épargnants. Le principe des réactions en chaînes fait que les conséquences de cette affaire sont encore impossibles à évaluer.

Le fond de l'affaire Madoff, c'est tout simplement la foi aveugle dans le développement ininterrompu du capitalisme, tant chez Madoff que chez ceux qui lui confiaient leur argent, ou ceux de leurs épargnants. Le crime des uns et des autres, c'est d'avoir cru ce que proclame depuis des années l'idéologie bourgeoise: le capitalisme est éternel.  La différence entre Madoff et les autres, c'est que lui a bâti son affaire sur cette seule croyance, alors que les investisseurs respectueux des "règles" s'appuyait quand même aussi sur certains éléments économiques concrets, dont ils avaient le tort de croire qu'ils étaient une garantie pour l'avenir. La véritable escroquerie dans cette affaire, c'est le système capitaliste lui-même.

Face aux catastrophes en série que peuvent provoquer ce genre d'effondrement financier, tous les responsables et intermédiaires piégés par leur foi capitaliste cherchent à se dédouaner, tout en étant incapables de remettre cette foi en doute. D'où la recherche obstinée de responsabilités individuelles et l'usage de tous les moyens pour récupérer ce qu'ils croient pouvoir encore l'être.

Le système Madoff reposait avant tout sur des systèmes de confiances institutionnelles et personnelles, sur des réseaux d'influence au sein de la bourgeoisie mondiale. Les "carnets d'adresses" bien remplis, comme celui de Villehuchet jouait donc un grand rôle pour attirer sans cesse de nouveaux capitaux, afflux constant qui permettait le paiement d'intérêts importants aux investisseurs précédents. C'est l'arrêt de ce flux par l'aggravation brutale de la crise financière en septembre dernier, qui a provoqué la chute de Madoff.

Dans ce contexte, des personnages comme Villehuchet étaient évidemment au centre de toutes les attentions, apportant à Madoff des clients, à ses contacts des intérêts importants. Du jour au lendemain, ou presque, ce héros du capitalisme se trouve transformé en bouc émissaire, cible d'une curée générale des investisseurs du monde entier, utilisant tous les moyens de pression psychologique possibles, à la fois pour se dédouaner sans mettre en cause le système que pour récupérer le moindre centime qui pourrait encore l'être.  Il n'y a guère de différence dans la manière dont cet affolement de capitalistes les a conduit à écraser l'un des leurs  que dans celle qui conduisit il y a peu les clients d'une grande surface américaine avides de saisir la "bonne occasion", à piétiner à mort, à l'ouverture des portes, l'un des employés du magasin. Bienvenue dans le monde enchanté de l'humanisme bourgeois!

***

La grande peur de l'an 2009

Pour des raisons parfois très divergentes, l'idée que l'année à venir sera une année terrible se répand à travers la population.

Il y a d'abord l'analyse marxiste, qui conclut à la nécessité pour les gouvernements bourgeois de s'attaquer aux acquis des travailleurs, attaque qui pourrait provoquer en retour un regain rapide des luttes. L'aggravation du chômage, la perte du pouvoir d'achat, la destruction des systèmes de soins et d'éducation sont à l'ordre du jour, avec tous les drames humains que cela peut signifier.

Pour autant, il est impossible de savoir à quel rythme cela se produira: le propre d'une période d'instabilité est de rendre impossible toute prédiction à court terme.  S'ils le peuvent, les gouvernements éviteront autant que possible une attaque générale, qui risquerait de provoquer l'explosion qu'ils redoutent, et préféreront si possible de s'attaquer aux travailleurs segment par segment. L'année sera difficile pour tous les travailleurs, mais pourrait n'être vraiment catastrophique que pour de petites fractions de la classe ouvrière et de la petite bourgeoisie.  La crise du capitalisme n'est pas un événement brutal, mais un processus à long terme, dont les rythmes sont impossibles à évaluer, alternant lente évolution et accélérations subites.

Il y a ensuite la peur qui se répand dans la bourgeoisie même: peur des pertes brutales individuelles à la suite d'incidents du genre de l'affaire Madoff, mais aussi peur des révoltes et du désordre social consécutifs aux plans gouvernementaux, aux licenciements massifs, déjà décidés ou à venir.

Mais les gouvernements et les dirigeants industriels ne perdent pas de vue les avantages propagandistes de cette peur de 2009, et se gardent bien de trop rassurer.

Le premier avantage est le principe du "moindre mal": plus les gens s'attendront au pire, plus ils accepteront les "difficultés" qui leur paraîtront moindre que leurs craintes. L'autre avantage idéologique est que cette peur va servir, et sert déjà, d'argument essentiel pour faire accepter les plans anti-sociaux des gouvernements et des entreprises.

La peur, rappelons-le encore, est le fondement même de la propagande bourgeoise, aujourd'hui plus que jamais. Plus les gens auront peur, plus toute solution leur paraîtra inaccessible, plus ils resteront passifs face aux événements.

Enfin, dans les milieux anticapitalistes, cette peur a les couleurs de l'espoir :  le grand moment va arriver. Peut-être, mais il n'est pas encore là, et ce n'est sans doute pas dans l'immédiat. En insistant sur l'imminence des événements, et l'urgence de réagir, certains partis peuvent trouver un motif pour appeler à l'unité face à l'urgence, et ainsi faire taire toute critique.

Le besoin d'unité dans l'action est une exigence fondamentale de la lutte des travailleurs contre le capitalisme. Mais à condition que cette unité aie du contenu, ne soit pas du vent. L'unité oui, mais pourquoi faire? Voilà ce à quoi certaines organisations éviteront de répondre, ce qui reviendra à dire, unité derrière ce qui existe actuellement, derrière notre ligne. Le prétexte de l'urgence, comme cela a été souligné dans l'article sur le centralisme démocratique, est un argument récurrent des appareils pour faire taire tout débat.

***

Les dernières fêtes avant la catastrophe

Un sociologue affirmait récemment dans les colonnes de Libération que la consommation lors des fêtes de cette fin d'année ne devrait pas trop être atteinte par la crise.  Face à la peur de 2009, ces fêtes apparaissent comme la dernière occasion de s'amuser, la possibilité d'oublier ce qui nous attend, de faire taire l'angoisse transmise par les scénarios catastrophes de la crise, comme par l'analyse concrète de la vraie catastrophe, le capitalisme.

S'il est du devoir des révolutionnaires de prévenir les travailleurs de ce qui les attend, de mettre en évidence la profondeur de la crise traversée par le capitalisme, il s'agit d'éviter de participer à cette grande fabrique d'angoisse et de passivité qu'est cette peur de l'an 2009.

Les luttes en Grèce rappellent qu'avec la crise, de nouveaux espoirs reviennent. La faiblesse du capitalisme peut être une chance, si les travailleurs prennent conscience de leur force et s'organisent pour renverser ce système qui broie tous les êtres, y compris parmi les siens.

Mais cette organisation doit être efficace, et la plus précise possible. Toute impatience, toute illusion sur l'urgence se paiera en illusions, en erreurs, en retard dans la réaction. La crise du capitalisme n'est pas un événement, mais un long processus, disait-on plus haut. Il en va de même de l'action révolutionnaire des travailleurs.  Il faut être capable de réagir vite face aux événements, mais l'essentiel de la lutte se construit dans l'effort obstiné et patient pour construire une alternative politique réaliste, donc révolutionnaire, fondée sur un parti ouvrier révolutionnaire, et sur la prise de conscience progressive, par les travailleurs de leur force et de leurs intérêts.

Il ne sert donc à rien de verser dans le catastrophisme. Il faut apprendre les vrais rythmes de la vie, combattre la peur, savoir que même dans les moments où le ciel se charge de nuages, des lumières nouvelles se préparent derrière eux, tandis que continue, aussi bien qu'elle le peut, la vie avec ses plaisirs, ses joies, ses espoirs.

Dans les deux à trois semaines à venir, l'activité du blog se ralentira, pour reprendre véritablement après le 11 janvier. Dès lors, même si d'autres articles paraîtront d'ici là:

Joyeuses fêtes à tous! Et que 2009 aie les couleurs de l'aurore!

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Commentaires
C
Exact.Merci, Pierre! Le vertige de ce genre de chiffres...
P
>cet immense montage qui a fait perdre 50 millions de dollars<br /> <br /> C'est 50 MILLIARDS.
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