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22 décembre 2008

Histoire des sociétés - Introduction générale

Sommaire du blog

Au départ, ce blog était conçu, autour de deux axes, l'histoire et la politique.
Ou encore: comment a-t-on fait pour en arriver là? Et comment doit-on faire pour en sortir?

Il y aura toujours un déséquilibre entre ces deux axes, l'axe politique se trouvant, par l'actualité et les débats, nourri (et parfois envahi) de ce qui se passe au-dehors. 

L'histoire sera présente sur Divergence de différentes manières: simples narrations, réflexions sur certains mécanismes historiques, mais surtout à travers la publication par épisodes d'un livre en train de s'écrire, une histoire du monde en trois parties.

La première partie, Histoire du monde narration très générale, sera présentée bientôt dans une introduction qui précisera pourquoi il me paraît nécessaire que ce genre de récits, trop rares, s'écrivent et se transmettent.

La deuxième partie, Évolution historique sera cette même histoire, mais abordée d'un point de vue analytique, en cherchant à mettre à jour les mécanismes et contraintes qui ont donné à l'histoire des hommes le sens qu'elle a pris.

La troisième partie, Variations historiques enfin, montrera à travers les variations régionales, comment la structure générale de l'histoire analysée dans la 2e partie  a pris forme et a varié, d'une région du monde à l'autre.

Bien que les motifs qui m'ont poussé sur cette voie soient multiples, je veux ici les ramener à deux: l'envie de comprendre, et le plaisir de raconter.


Marxisme et histoire

Le sujet est vaste, et je n'entends pas le développer ici,  mais faire quelques remarques:

Bien que qualifié parfois de "matérialisme historique", le marxisme n'a pas à proprement parler développé de théorie générale de l'histoire, du moins pas au-delà d'une conception très générale: le marxisme est d'abord une analyse du capitalisme, et cette analyse est fondée sur une conception de l'homme qui intègre sa dimension historique et lui donne un rôle essentiel.

S'il y a une théorie marxiste de l'histoire, ce serait en généralisant, à partir de l'analyse marxiste du capitalisme, à l'ensemble de l'histoire des sociétés ce qui a été mis à jour dans l'analyse du capitalisme. C'est ce qu'a fait Marx lui-même, mais de manière élémentaire, avec les concepts de "lutte des classes" et de manière plus approfondie, mais quand même très brève, autour de la question du développement des forces productives.

La conception marxiste de l'histoire est fortement marquée par l'époque où Marx et Engels développent leur pensée: le déterminisme scientifique absolu qui règne alors les amène à présenter parfois (et leurs successeurs encore plus) les principes de bases de la philosophie marxiste de l'histoire comme des "lois". Je reviendrai plus tard sur cette question, mais afin de comprendre l'orientation qui sera prise, je dirais que lorsque l'on quitte le terrain bien solide des sciences "dures", vers les sciences humaines, (histoire, sociologie, psychologie), etc., le terme de "lois" n'est plus approprié et il est plus juste de parler de contraintes, ou de tendances.

D'autre part, la connaissance de l'histoire ancienne était encore très embryonnaire à leur époque, et particulièrement eurocentrée.  Depuis, la connaissance historique a fait de considérable progrès, entre autres sur la pression du marxisme, dans l'analyse de l'histoire des sociétés, de l'économie, des cultures. La vision eurocentrée a fortement reculé, bien qu'elle reste encore très présente dans nombre d'analyses historiques.

L'idée même qu'il puisse exister une conception générale de l'histoire est combattue par de nombreux historiens, pour qui aucune théorie générale ne peut rendre compte de la diversité, de la complexité, des variations et des accidents de l'histoire. L'idée même de "stades de l'histoire", très généralement admise à l'époque de Marx et Engels, n'est plus guère présente aujourd'hui. L'histoire, à mesure qu'elle progresse dans sa connaissance des faits, semble perdre sens et unité.

Les limites de la conception originelle du marxisme concernant ces stades peut peut-être déjà se sentir dans cette contradiction: alors que le marxisme affirme que la base de l'histoire est économique, en premier lieu la production de la subsistance, les différents "stades" de l'histoire traditionnellement utilisés, "esclavagisme", "féodalité", en plus d'être tirés de l'histoire de l'Europe, et peu extensibles à l'histoire dans son ensemble, se réfèrent à des statuts juridiques. Il y a bien sûr des liens étroits entre droit et économie, mais pas au point qu'à chaque mode de production corresponde un et un seul type de lien juridique entre les classes.

L'esclavage est de toutes les époques, et si son rôle n'est déterminant dans la production que dans un certain type de sociétés - en gros, mais on nuancera fortement plus tard-  dans la grande production agricole orientée vers le commerce, que l'on trouve aussi bien dans les civilisations étatiques de l'Antiquité  que dans l'Amérique du XIXe siècle, il n'est jamais le seul lien juridique, ni même le principal.  Rappelons qu'à l'époque de Marx, et longtemps encore, on a considéré que l'économie de l'Égypte ancienne était fondée sur l'esclavage. On sait aujourd'hui qu'il n'en est rien.  Si l'esclavage a souvent eu un rôle économique important, c'est plus dans le commerce, le commerce de luxe en l'occurrence, que dans la production.

Quant à la notion de féodalité, son contenu n'a cessé de se modifier et de se nuancer à mesure que la connaissance de l'histoire ancienne s'approfondissait. Là encore, le problème est que les tentatives de généralisation de l'histoire partent trop souvent de l'Europe. Je montrerai dans la troisième partie combien l'Europe était peut-être la région du monde la moins appropriée pour analyser les mécanismes généraux de l'histoire, du moins avant le capitalisme, parce qu'elle a toujours été, à des degrés divers, la bâtarde de processus historiques se formant ailleurs.

Science contemporaine et histoire

L'une des principales critiques faites à toute vision globale de l'histoire tient à son aspect "téléologique", orientée vers un but, vers une finalité.  Ce qui serait contraire au matérialisme, qui exige que les processus matériels produisent leur lois, et non l'inverse .

On se contentera ici de dire que la dialectique surmonte aisément en principe ce problème en affirmant que l'histoire produit ses propres lois: le nécessaire produit du contingent, et inversement. C'est bien sûr plus complexe, mais cela nous entraînerait trop longuement vers les questions du déterminisme, du hasard tant dans son rapport à la nécessité que dans la forme qu'il a prise dans la science contemporaine, questions sur lesquelles nous reviendrons ailleurs.

Ce qu'il importera ici de déterminer, c'est comment l'histoire produit ses propres nécessités. Et c'est là que certains problèmes de la science moderne, autour de l'auto-organisation de la matière, du chaos, de l'espace des phases, etc, peuvent nous aider à saisir l'histoire créant sa nécessité.

La rubrique à venir, consacré au rapport entre science et histoire, expliquera dans quelles limites et sous quelles formes les outils de la science "classique" peuvent être utilisés dans les sciences humaines, et en particulier en histoire. Et c'est la seconde partie de l'histoire des sociétés qui en fera usage.

Contraintes générales de l'histoire

Pour comprendre l'histoire de l'homme, il faut d'abord partir du fait qu'il s'agit d'une espèce animale. Ce qui signifie qu'il est soumis aux deux contraintes majeures de toute espèce: la survie et la reproduction. La deuxième contrainte a surtout des conséquences au niveau du comportement individuel. Bien évidemment, elle a un rôle dans l'histoire, mais, hormis dans les premières sociétés où les premiers liens de parenté lui sont en partie liés, cela reste secondaire, et ne sera pas abordé dans ce qui reste une approche très générale de l'histoire. C'est la première contrainte, impliquant le rôle majeur de la production de subsistances, qui constitue la contrainte de base de l'histoire.

L'homme se distingue néanmoins de la plupart des espèces voisines par son comportement social complexe, et par l'importance de l'échange, et cela à tous les niveaux de son existence, donc aussi dans la production des subsistances.  Celle-ci, fondée sur un besoin biologique est donc toujours une activité sociale, et ce sont les contraintes propres à la production sociale des subsistances qui constituent les fondements des divers types de sociétés au cours de l'histoire.

Ces contraintes impliquent que toute société humaine est tenue à les respecter, sous peine de disparaître. Mais il existe bien des manières de respecter ces contraintes, et les sociétés humaines ont ainsi produit, pour un même mode de production, des organisations politiques et culturelles très variées.

Cette variété est cependant limité par deux tendances: une tendance liée au principe du "moindre effort": parmi tous les types d'organisations accessibles à un mode de production donné, celles qui permettent de satisfaire la production de subsistance en dépensant le moins d'énergie auront tendance à être favorisées, bien que ce ne soit pas nécessaire. L'autre tendance tient à ce que, plus une société développe sa production, plus elle sera en mesure de s'imposer aux autres, et donc d'étendre son organisation sociale, son mode de production, sa culture.

La tendance du "moindre effort"  joue surtout un rôle essentiel dans les premières sociétés de chasseurs-cueilleurs, à cause de la variabilité des conditions d'existence, liée entre autres aux variations écologiques et climatiques. Elle permet de tenir "en réserve" suffisamment de capacité de production pour faire face aux périodes les plus difficiles.

Par contre, à partir du moment où l'effet de cette variabilité est fortement atténuée, par le stockage entre autres, c'est surtout la deuxième tendance qui va jouer un rôle essentiel, dans l'adoption progressive d'un mode de production, et d'une organisation sociale dans des espaces géographiques sans cesse croissants, jusqu'à ce que le développement de sociétés marchandes intègre dans un seul ensemble économique les différentes régions du monde, que la société capitaliste va tendre à unifier en un système global.

Cette dernière remarque rappelle quelque chose d'essentiel dans la narration comme dans l'analyse de l'histoire: les sociétés humaines se sont dispersées à travers le monde et ne sont pas de sociétés fermées: si, en première approche, il faut les appréhender comme des systèmes fermés, pour mettre à jour leur dynamique propre, leur destin n'est compréhensible que dans leurs relations avec l'extérieur: aussi bien l'environnement naturel que les autres sociétés. 

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